Alger est une ville policière. N’allez pas croire que ce soit à cause des
attentats – ni du nombre croissant de ses policiers – qu’elle est policière.
Alger est policière dans son attitude. Dans sa tête. Même sans policiers,
elle aurait été policière. D’où le drame, peut-être. On s’y sent constamment
guetté. Jaugé. D’abord par ses semblables. Les femmes bravent la hargne des
regards mâles, mais elles restent tout de même prisonnières du temps et des
hommes. Des cendrillons qui n’égarent aucune chaussure, mais sont tenues de
rentrer chez elles bien avant minuit. La nuit, les femmes disparaissent.
Mais les hommes aussi. Les femmes victimes des hommes et les hommes victimes
d’eux-mêmes. Alger est une ville qui ferme, comme ses magasins. C’est une
ville cadenassée que nous devrions cambrioler. Mais personne n’est assez
doué pour forcer ses serrures. Quelle horreur, une ville qui ferme ses
portes invisibles au nez de
ses habitants ! Des portes contre lesquelles nous nous cognons constamment.
Il ne viendrait à l’esprit de personne de se balader la nuit à pied. Prendre
l’air, un pot. Marcher. Découvrir d’autres senteurs. Voir la mer.